Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

il s’estonnoit quelquesfois, qu’une vie aussi peu avancée que la sienne, eust desja esté subjette à tant d’evenemens extraordinaires : & se promenant seul dans sa chambre (car il n’avoit pû se resoudre de se remettre au lit) il apperçeut sur la table des Tablettes de feüilles de Palmier, assez magnifiques : Mais helas ! quelle surprise fut la sienne, lors qu’en les ouvrant, il vit qu’il y avoit quelque chose qui estoit escrit de la main de sa Princesse. Il les regarde de plus prés ; il parcourt en un moment toutes ces precieuses lignes ; & apres s’estre fortement confirmé en l’opinion que c’estoit elle qui les avoit tracées : il lût distinctement ces paroles.

LA PRINCESSE MANDANE,
AU ROY D’ASSIRIE.


Souvenez vous, Seigneur, que vous m’avez dit plus de cent fois, que rien ne pouvoit resister à Mandane ; afin que vous en souvenant, vous n’accusiez pas le genereux Mazare d’une infidelité, que mes larmes, mes prieres, & mes plaintes, luy ont persuadé de commettre : sans qu’il ait autre interest en ma liberté, que celuy que la vertu inspire aux Ames bien nées, en faveur des Personnes malheureuses. Resolvez vous donc à luy pardonner un crime, qui à parler raisonnablement, vous est en quelque façon avantageux ; puis qu’il vous oste les moyens