Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/71

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bien puni par Mandane, puis qu’Artamene est assez bien dans son cœur pour en deffendre l’entrée ; & à vous & à moy ; & à tous les Princes de la Terre : & pour me punir de tout ce que je fais malgré que j’en aye, & contre vous, & contre l’exacte generosité.

MAZARE.

Que vois-je, dit alors Artamene, & que ne dois-je point craindre de voir ? je pense avoir trouvé un Ami, & un moment apres je retrouve un Rival ! & un Rival encore, qui peut-estre a employé mon Nom, pour abuser ma Princesse, & pour l’enlever. Mais, genereuse Princesse, puis-je esperer pour me consoler, que je fois aussi bien dans ton cœur, que Mazare tesmoigne le croire ? Ha ! s’il est ainsi Fortune, que je suis heureux, & malheureux tout ensemble ! heureux de posseder un honneur que tous les Rois de la Terre ne sçauroient jamais meriter ; & malheureux d’avoir quelque droit à un thresor, dont la possession m’est deffenduë. Le Destin capricieux, qui regle mes avantures, ne me montre jamais aucun bien, que pour m’en rendre la privation plus sensible : je ne connois la douceur, que pour mieux gouster l’amertume : & je n’aprens que je suis aimé, que lors que par l’excés de mes infortunes, je suis contraint de haïr la vie, & de souhaiter la mort. Comme il en estoit là, on luy vint dire que l’on n’avoit rien appris de cette Galere où estoit la Princesse, le long du rivage de la Mer : ce qui le consola en quelque façon ; dans la peur où il estoit, qu’elle n’eust fait un triste naufrage : & ce qui l’obligea à souffrir la veuë