Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/77

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me tenez pas tousjours entre la crainte & l’esperance ; entre la vie & la mort. Seigneur, luy dit alors Chrisante, apres tant de maux que vous avez soufferts, ou évitez ; vous devez esperer de surmonter toutes choses : & apres une si longue obstination de la Fortune à vous persecuter, adjousta Feraulas, il est à croire qu’elle se lassera bien tost. Cependant le Ciel s’estoit esclairci : & depuis qu’Artamene estoit hors de la Ville, le vent s’estoit appaisé ; & la Mer paroissoit aussi tranquile, qu’elle avoit esté agitée. Ses ondes ne faisoient plus que s’espancher lentement sur le rivage : & par un mouvement reglé elles sembloient se remettre avec respect, dans les bornes que la puissance Souveraine qui les gouverne, leur a prescrites. Artamene se resjoüissant de cette profonde tranquilité, presques avec autant de transport qu’il en eust pû avoir, s’il eust esté le Ravisseur de sa Princesse ; vit encore assez loing devant luy au bord de la Mer, plusieurs personnes ensemble : qui par leurs actions tesmoignoient avoir de l’estonnement, & estre fort occupées. Il s’avança alors, poussé d’une curiosité extraordinaire : & changeant de couleur en un instant ; que peuvent faire ces gens ? dit il à Chrisante & à Feraulas ; Seigneur, luy dirent ils, peut-estre sont-ce des Pescheurs, qui sechent, ou qui démeslent leurs filets sur le fable. Cependant Artamene s’avançant tousjours vers eux, Feraulas commença de remarquer le long de la rive, quelque débris d’un naufrage : il fit pourtant signe à Chrisante de n’en parler point à leur Maistre ; qui regardoit avec tant d’attention, ces hommes qui estoient au bord de la Mer ; qu’il ne s’aperçeut pas encore de ce que Chrisante & Feraulas avoient veû. Mais helas ! à peine eut il fait vingt pas, que