Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Combatans. Le Roy ne fut pas plustost descendu de cheval, qu’Artamene le conduisit dans le plus bel Apartement du Chasteau : & il n’y fut pas si tost, qu’estant entré seul avec luy dans son Cabinet ; Et bien mon cher Artamene, luy dit il, que m’aprendrez vous de plus estrangge, que ce que je sçay desja ? Cette demande où Artamene s’estoit bien attendu, ne laissa pas de le surprendre : & se voyant sans autre tesmoin que le Roy ; & forcé de luy faire sçavoir le naufrage de la Princesse ; il ne pût empescher que ses larmes ne previnssent son discours. Ciaxare les voyant couler, que me disent vos pleurs, Artamene, s’écria t’il, & auriez vous la mort de ma fille à m’annoncer ? Alors Artamene faisant un effort extraordinaire sur son esprit, luy dit en peu de mots, tout ce qu’il sçavoit du naufrage de Mandane. Cette nouvelle affligea si fort Ciaxare, que l’on peut dire que jamais Pere n’avoit tesmoigné plus de tendresse ni plus de douleur. Artamene voyant qu’il luy estoit permis de pleurer, en un temps où l’affliction de Ciaxare l’empeschoit de prendre garde à la sienne ; s’y abandonna de telle sorte, que jamais l’on n’avoit rien veû de si pitoyable. Il ne disoit rien à Ciaxare pour le consoler ; & Ciaxare ne laissoit pourtant pas de trouver de la consolation aux pleurs d’Artamene. Fut il jamais, disoit ce malheureux Pere, un Prince plus affligé que moy ? Mais, adjoustoit il, ne devois-je pas aussi prevoir mon malheur ? & tant d’Oracles qui avoient asseuré à Astiage que le Sceptre qu’il portoit, & qu’il m’a laissé, passeroit bien tost en des mains estranggeres ; Ne devoient ils pas m’avoir appris, puis que je n’avois qu’une fille unique, que je la perdrois infailliblement ? Helas ! Astiage s’amusoit à chercher les voyes de perdre celuy qui devoit