Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/98

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grand respect pour le Pere de sa Princesse ; & qu’il sçavoit bien qu’en effet, Ciaxare avoit raison de trouver quelque chose à dire en sa conduite ; il se teût & se retira, voyant que le Roy luy avoit tourné le dos sans vouloir plus l’escouter. Le soir estant venu, une partie des Chefs s’en retournerent au Camp ; & tous les Princes furent logez dans le Chasteau, & dans les plus belles maisons, que la flame eust espargnées. Ciaxare passa la nuit avec beaucoup d’inquietude : & Artamene fut encore bien plus malheureux que luy ; qui du moins n’avoit que sa propre douleur à souffrir : au lieu que ce Prince en souffrant la sienne, partageoit encore celle du Roy, malgré ses soubçons & sa rudesse. Mais comme il arrive assez souvent que la Fortune ne garde nulle mesure, ny en ses faveurs, ny en ses disgraces ; & qu’elle comble de felicité, ou accable de malheur, ceux qu’elle regarde avec amour ou avec haine ; l’affligé Artamene, de qui la constrance succomboit presque en cette occasion ; se vit encore attaqué par un endroit assez sensible, puis qu’il s’agissoit de son honneur. Le lendemain au matin, Ciaxare luy envoya dire qu’il se rendist en diligence dans son Cabinet ; comme il fut aupres de luy, il le trouva avec un visage où la colere paroissoit plus que la douleur : & qui luy fit bien connoistre, qu’infailliblement il alloit tomber dans quelque nouvelle infortune. Mais comme l’estat où il estoit, luy donnoit beaucoup d’indifference pour la vie ; il ne se troubla point, voyant Ciaxare si troublé : & luy demanda avec beaucoup de respect, s’il faloit faire quelque chose pour son service ? Ciaxare sans luy respondre, luy donna des Tablettes qu’il tenoit : & apres l’avoir regardé avec des yeux remplis de fureur ; Voyez Artamene,