Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/151

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qu’à la conduite des affaires de l’Estat, dont Artamene ne s’estoit jamais voulu mesler ; ayant borné son employ, à tout ce qui regardoit la guerre. En ce mesme temps, il vint nouvelles du Camp, que le Roy de Phrigie n’avoit pû encore r’assembler un Corps considerable depuis sa deffaite : & qu’il couroit un bruit que la Bythinie se vouloit souslever, & secoüer le joug du Roy de Pont. Cette derniere nouvelle, n’estoit pourtant, pas bien assurée : & le Roy prisonnier n’en avoit pas encore entendu parler, lors qu’il envoya un matin prier mon Maistre qu’il le peust entretenir. Artamene qui est naturellement tres civil ; & qui de plus, estimoit beaucoup ce Prince, tout son Rival qu’il estoit : ne manqua pas de faire ce qu’il desiroit de luy : apres avoir demandé au Roy la permission de le voir. Comme il fut entre dans se chambre ; & que ceux qui le gardoient se furent retirez : genereux Artamene, luy dit il, vous m’avez obligé de si bonne grace les armes à la main, que je ne puis croire que vous ne le faciez encore avec plus de joye, aujourd’huy que je suis dans les fers. C’est pourquoy j’ay pris la liberté de faire prier mon Vainqueur, de venir icy : afin de le prier moy mesme, de vouloir estre mon Amy, mon Protecteur, & mon Confident tout ensemble. Comme c’est la Fortune toute seule, respondit Artamene, qui vous a fait perdre la liberté, vous me donnez une qualité dont je ne dois pas abuser : & vous m’en offrez trois autres, que je n’oserois accepter : puis que je ne suis pas digne d’estre vostre Amy : que je ne suis pas assez puissant, pour estre vostre Protecteur : & que je n’ay peut-estre pas toutes les qualitez necessaires, pour avoir l’honneur d’estre vostre