Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/176

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l’intention du Sacrificateur. La Princesse & Artamene furent estranggement surpris d’un semblable discours : & ne douterent nullement, que Ciaxare ne sçeust que Cyrus estoit non seulement dans sa Cour, mais dans son Cabinet. Mandane se repentoit desja de la bonté qu’elle avoit eue pour mon Maistre, & se preparoit à tascher de se justifier aupres de Ciaxare : Artamene de son costé estoit au desespoir, de remarquer sur le visage de sa Princesse qu’elle souffroit infiniment : & par un excés d’amour, il songeoit bien plus a sa douleur, qu’au peril où il croyoit estre exposé. Mais voyant enfin que Mandane n’avoit pas la force de parler ; & que le Roy avoit recommencé de se promener sans rien dire, comme s’il eust attendu qu’on luy eust dit quelque chose ; Seigneur, reprit mon Maistre, ceux qui vous ont assuré que Cyrus estoit vivant, vous ont ils apris qu’il ait de mauvais desseins contre la Medie, & contre la Capadoce ? Il ne faut, repliqua Ciaxare, qu’entendre tout ce que les Mages qui sont à Ecbatane, eux qui sont les plus sçavans de toute l’Asie, nous anoncent & nous presagent de Cyrus. Il faut pourtant tascher, poursuivit il de donner quelque remede à un mal qui n’a pas encore fait un & grand progrés, qu’on ne le puisse arrester : & puis que le bonheur ou l’infortune de toute l’Asie sont attachez à la mort ou à la vie d’un seul homme ; il faut faire tout ce que l’on pourra, pour se mettre en estat de pouvoir disposer de sa vie ou de sa mort sans peril. Cyrus, à ce que j’aprens par le Roy mon Pere (adjousta-t’il en s’arrestant, & en regardant la Princesse) n’est pas presentement à la teste d’un Armée de cent mille hommes : c’est pourquoy ma Fille, luy dit-il, je ne m’en mets pas tant en peine : & si je ne me trompe, il ne nous fera pas