Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ciaxare qui en effet voyoit beaucoup d’aparence, à ce que luy disoit Aribée, aprouva son advis : & peu de temps apres, envoya querir mon Maistre, comme je vous l’ay déja dit D’abord qu’il entra dans son Cabinet, il fut au devant de luy : & le carressant encore plus qu’à l’ordinaire ; Artamene, luy dit il, les Dieux ne vous ont pas rendu propre à tant de choses differentes, pour ne vous employer jamais qu’à une seule : c’est pourquoy afin de ne laisser pas inutiles, les dons que vous avez reçeus du Ciel : il faut qu’apres avoir donné tant d’illustre matiere à vostre valeur, je vous en donne aussi de faire paroistre vostre prudence. Mon Maistre suivant fa coustume & son humeur, respondit aux civilitez de Ciaxare, avec autant de modestie que de soumission : & tesmoignant en suitte beaucoup d’impatience de sçavoir en quoy il le pouvoit servir : Ciaxare luy dit tout ce qu’Astiage luy avoit mandé par Araspe ; tout ce qu’Ariée luy avoit conseillé ; & enfin tout ce qu’il avoit resolu. Il le pria de plus, de vouloir aprendre la chose à la Princesse sa Fille ; & de tascher de faire qu’elle ne l’en aimast pas moins. Car, luy dit il, Artamene, je sçay qu’elle vous estime : & qu’elle recevra mieux une semblable nouvelle par vous que par Aribée, pour lequel elle n’a jamais eu grande inclination. Je vous laisse à juger. Seigneur, combien mon Maistre fut surpris d’une pareille proposition : il ne sçavoit s’il devoit contredire le dessein du Roy, ou l’aprouver : accepter la commission qu’on luy donnoit de parler à la Princesse, ou la refuser absolument : & il fut un assez long temps, où il ne sçavoit pas trop bien que respondre ; tant il avoit de peur d’offencer le Roy ou Mandane ; & de choquer son devoir ou son amour, dans une conjoncture si delicate.