Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/354

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de la Reine, auroit eſperé un ſemblable honneur, elle n’auroit rien fait de fort deraiſonnable. La Fortune Intapherne, reſpondit bruſquement ce Prince violent, n’eſt pas touſjours aveugle en ſes preſens : elle donne ſouvent avec choix : & je ſuis bien aſſure, que ce ne ſera point par ma main que ſon caprice donnera des Couronnes : & qu’elle ne mettra point par moy ſur le Throſne, ceux qui ne doivent le regarder qu’en tremblant. Dans les autres Royaumes, reſpondit Intapherne, l’on dit que le Prince eſt au deſſus des loix : mais en Aſſirie les loix ont accouſtumé d’eſtre au deſſus du Prince, qui fait gloire de s’y aſſujettir : & par cette raiſon, les Sujettes comme ma Sœur, peuvent touſjours fans choquer la bien-ſeance, ne trembler point en regardant un Throſne où elles peuvent monter. Quand les Sujettes comme voſtre Sœur, repliqua t’il, vivront ſous le regne d’un Prince comme moy, on leur aprendra mieux ce qu’elles doivent qu’elle ne le sçait : & on leur fera voir que la raiſon eſt plus forte que la loy : que l’on peut enfraindre ſans injuſtice, lors que cette loy eſt injuſte. Apprenez donc Intapherne, pourſuivit il, à ne vous fier pas à la loy : renoncez à tous les privileges que vous croyez qu’elle vous donne : contentez vous des alliances que vous avez eües autrefois, avec les Rois d’Aſſirie : & croyez que ſi je regne un jour, vous n’y en aurez jamais de nouvelles. Peut eſtre, repliqua Intapherne, qu’auparavant que la Reine Nitocris vous ait laiſſé la Couronne, vous changerez de ſentimens : Je vous entens bien, reſpondit le Prince d’Aſſirie, vous croyez parce que je ne regne pas encore, que vous eſtes preſque mon égal : mais Intapherne, deſabusez vous : &