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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/533

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luy aider point à ramaſſer ſes fleurs. Seigneur, luy dit elle en l’en voulant empeſcher, ne vous donnez pas cette peine : car nos Bois & noſtre Prairie en produiſent tant d’autres ſemblables, qu’il me ſeroit bien aiſé de reparer cette perte quand elles ſeroient gaſtées. Celles de vos Bois & de vos Prairies, luy reſpondit Philoxipe, ne ſont pas ſi precieuſes que celles que je vous rends : puis qu’elles n’ont pas eſté cueillies par une belle Fille comme vous. Seigneur, luy dit elle en rougiſſant, la Deeſſe à qui j’ay deſſein de les offrir, regardera bien plus l’intention de mon cœur que mon viſage : qui n’a rien ſans doute qui puiſſe vous avoir obligé à parler comme vous venez de faire. Mais, Seigneur (pourſuivit elle adroitement, ſans luy donner loiſir de l’interrompre, afin de changer de diſcours) vous avez peut eſtre quelque choſe à commander à mon Pere : qui ſera bien faché de ne s’eſtre pas trouvé icy, pour avoir la gloire de vous obeïr : mais il eſt allé avec ma Mere en un lieu d’où il ne reviendra que ce ſoir. Philoxipe entendant parler cette jeune Perſonne avec tant de jugement ; tant d’adreſſe ; & tant de civilité ; luy qui n’avoit attendu tout au plus, que de trouver beaucoup d’innocence & de naïfueté en ſa converſation ; n’avoit preſque pas la force de luy reſpondre. Il la regardoit avec admiration, & l’eſcoutoit avec eſtonnement : il voyoit en ſon habit une negligence ſi propre ; & il trouvoit un charme ſi inexpliquable au ſon de ſa voix, qu’il en eſtoit ravy. Son langage n’eſtoit pas ſeulement Grec, mais il avoit encore toute la pureté Atique, & toute la politeſſe de la Cour. Elle avoit de plus un agrément infiny en ſon action : qui ſans avoir rien d’affecté, n’avoit auſſi