Page:Segalen - Les Immémoriaux.djvu/288

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Fornicateurs. On considérait aussi, non sans désir, ces filles dites « Concubines » dont le corps et les embrassements avaient sans doute une vertu spéciale, puisque leurs ébats relevaient de vocables nouveaux. Elles-mêmes ne cachaient pas une fierté, où se mêlait cependant une inquiétude. Mais c’était payer de bien peu — quelques journées pénibles à venir, ou à ne pas venir ? — cet honneur d’avoir un instant occupé autour de sa personne tous les chefs, et les yeux de la foule. Alors, on s’ingénia dans l’assemblée, à découvrir, en soi-même et autour de soi, d’autres coupables. Un homme cria qu’on lui avait pris un cochon. Il amenait deux fétii, les désignant comme « Voleurs ». Tous ensemble ils semblaient assez bien s’accorder, mais pour réclamer le jugement, et qu’on fît parler la Loi pour eux tout seuls. Pomaré, d’un regard lourd et lassé, se levant une dernière fois, voulut bien déclarer :

— « La deuxième partie de la Loi concernant le Vol, dit : Si un homme vole un cochon, il devra en rendre quatre. Tu recevras donc quatre cochons.

— Huit ! » protesta le volé. « Car les voleurs sont deux ! Huit ! »

La réponse, cette fois, n’était pas écrite dans la Loi, et le Réformateur hésitait. Mais soudain :

— « En vérité ! Huit ! La Loi dit quatre pour le volé, et quatre pour le roi. » Il sourit avec orgueil, vers lui-même, disant : « Le chef des Piritané n’aurait certes pas mieux jugé ! »