Page:Segalen - René Leys.djvu/14

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chef-d’œuvre de réalisation mystérieuse. Et d’abord, le plan triple de ses villes n’obéit pas aux lois des foules cadastrées ni aux besoins locataires des gens qui mangent et qui peuplent. La capitale du plus grand Empire sous le ciel a donc été voulue pour elle-même ; dessinée comme un échiquier tout au nord de la plaine jaune ; entourée d’enceintes géométriques ; tramée d’avenues, quadrillée de ruelles à angles droits et puis levée d’un seul jet monumental… — habitée, ensuite, et enfin débordée dans ses faubourgs interlopes par ses parasites les sujets chinois. — Mais le carré principal, la ville Tartare-Mandchoue fait toujours un bon abri aux conquérants, — et à ce rêve :

Au milieu, dans le profond du milieu du Palais, un visage : un enfant-homme, et Empereur, maître du sol et Fils du Ciel (que tout le monde et les journalistes s’entêtent à nommer « Kouang-Siu », qui est la marque du temps où il régna, — c’est-à-dire, après J.-C. de 1875 à 1908). Il vécut vraiment, sous son nom de vivant mais indicible… Lui, — et ne pouvant dire le nom, je donne au pronom européen tout l’accent incliné du geste mandchou (les deux manches levées par les poings réunis jusqu’au front baissé) qui Le désigne… Lui demeure la figure et le symbole incarné du plus pathétique et du plus mortel des vivants. — On lui réserve des actes impossibles… et c’est possible qu’il les ait bonnement commis. Je suis sûr qu’il est mort comme personne