Page:Segalen - René Leys.djvu/161

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je répondrais : « En effet, mais pourquoi m’en parles-tu ? »

Il reste muet. Il se renverse en arrière avec un port de tête très alangui. Il me regarde. On dirait qu’il prépare une confidence amoureuse… Lui ! — Voilà qui renforcerait jusqu’au fiel les malveillantes suppositions de Jarignoux !

Il parle enfin :

— Je vais vous conter l’histoire de la première nuit de noces de « Kouang-Siu »…

J’interromps :

— Pourquoi l’appelez-vous « Kouang-Siu » ! vous qui savez certainement son nom !

— Pourquoi voulez-vous que j’use du nom qu’il est défendu de…

— C’est vrai. J’accepte le pseudonyme. Alors ?

— Kouang-Siu, quand on lui a dit qu’il devait épouser l’impératrice actuelle, n’avait encore jamais vu de femmes…

— Jamais « vu » ?

René Leys rougit comme un rhétoricien impubère. « Voir » tient donc dans son récit la place que l’autre verbe, non moins actif, « connaître », occupe dans la Bible des Hébreux.

— Enfin, commente René Leys, il n’avait pas l’habitude… Il a demandé conseil à l’un de ses amis.

Ceci me paraît naturel.

— Et son ami lui a dit : « Quand toutes les céré-