Page:Segalen - René Leys.djvu/44

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— Surtout je n’ai jamais couché ailleurs que chez mes parents.

Il hésite :

— Je n’aime pas : je ne parviens pas à m’endormir.

Moi, je n’y peux rien ; pas plus qu’à ce départ d’un père. René Leys me regarde à peine :

— J’ai peur qu’il ne m’arrive encore ce qui m’est arrivé quand j’étais jeune…

— Quoi ?

— D’être mordu. Mon père se moque toujours de moi quand je lui… Je ne lui en parle plus. J’ai été mordu au doigt, une nuit, à ce doigt-ci…

— Par qui ?

— Par qui ? Oui, par qui ?…

Il change de voix, et, plus bas…

— Par qui ? C’est vrai. Je ne me l’étais jamais demandé. Enfin, j’ai été mordu. J’ai sauté de mon lit. J’ai entendu sonner à la porte. J’étais seul. J’ai cru que mes parents revenaient de voyage. Ma mère n’était pas morte à ce moment… Je suis allé ouvrir… J’ai vu une grande flamme…

— C’est la flamme qui avait sonné, dis-je en riant avec sarcasme.

Je n’aime pas ces histoires de revenants. La péripétie est courue et connue d’avance. On a vingt explications, toutes fausses, à la clef…

Mais René Leys ouvre des yeux voilés, embus d’une peur véritable. Évidemment, ce garçon a vu