Page:Segalen - René Leys.djvu/68

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Mon boy sert de mauvaise grâce. Lui seul et moi sentons l’indécence, pour cette honnête femme, à se trouver près de son mari assise à la même table… même Européenne ! Mais la lampe baisse ; les couleurs trop vives reculent ; la coiffure largement équarrie se perd dans les ombres… Il ne reste que des yeux presque débridés ; un nez… existant, presque modelé, et surtout ces épaules minces sous la soie souple et mince de la robe… — Vraiment, l’on conçoit ici toute la féminité de la longue et impudique robe, à voir la femelle chinoise se pantalonner de deux fourreaux chastement ficelés à la cheville, serrés à la taille, et inexpugnable à tous les désirs qu’elle a, par avance, éteints.

Je n’omets point que les « Dames mandchoues » ne sautillent pas sur des moignons aiguisés, mais marchent hautement, le pied à plat sur les épaisses semelles blanches…

Madame Wang, si mon vocabulaire à peine éclos comportait plus de mots poétiques et floraux que votre vieil époux ne m’en a appris encore, soyez certaine de mon premier soin à les essayer à son insu, — à vos pieds.