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Page:Segur - La Fortune de Gaspard.djvu/303

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Gaspard cacheta ; sa main tremblait ; M. Féréor le regardait ; quand il vit la main trembler, il se troubla et il dit à mi-voix :

« Pauvre garçon ! »

Mais il laissa partir la lettre qui condamnait Gaspard à un mariage odieux.

« Va prendre l’air et faire un tour dans les ateliers, mon enfant ; vois si tout est en place, bien rangé. »

Gaspard sortit ; tout était prêt à recevoir les ouvriers. Il se promena dans le bois ; après avoir marché quelque temps, il s’assit dans le berceau de houx qui avait si bien servi à lui faire atteindre son but.


Il s’assit dans le berceau de houx.

« Je le paye cher, dit-il, mais je le tiens ! Cinq millions ! et autant après lui ! Ce pauvre père ! Que Dieu me le conserve ; je l’aime réellement de plus en plus, et il est le seul être au monde que je puisse aimer. Cette créature que je vais épouser est sans doute laide, bête et maussade. Mon sacrifice est grand et cruel. Mais je le devais à mon père, cent fois plus paternel pour moi que ne l’a été mon propre père !… À vingt-cinq ans ! être enchaîné pour la vie ! et n’avoir plus personne à aimer qu’un père bien âgé, hélas ! Le côté le plus pénible de ce mariage est le père ! Un misérable que j’ai mis à la porte et qui, après cela, a le sans cœur de m’offrir encore sa fille… Encore une illusion perdue, un appui de moins pour l’avenir. Ce bonheur que je ne trouvais pas complètement