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Page:Segur - La Fortune de Gaspard.djvu/90

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toi qui l’empêchais d’aller à l’école, de faire comme Gaspard que tu grondais et bousculais quand tu le voyais parti. C’est toi qui…

Le père Thomas.

Tais-toi. Tu m’ennuies avec tes raisons. Il n’en est pas moins vrai que j’ai manqué la vache bringée et que je n’en trouverai pas une pareille. Une cotentine ! et bringée ! Et à son second veau !

La mère Thomas.

À qui la faute ? Pourquoi n’as-tu pas appris à lire ?

Le père Thomas.

Tais-toi, je te dis. Ne m’échauffe pas les oreilles… Mettons-nous à table ; il est tard. Gaspard, mon garçon, travaille à la maison tant que tu voudras, je ne te querellerai plus.

Gaspard, surpris et enchanté, remercia son père et se sentit heureux comme il ne l’avait pas été depuis deux ans. Le pauvre Lucas pleurait encore.

Le père Thomas.

As-tu bientôt fini, toi, ignorant ? Je ne te pardonnerai pas de sitôt de m’avoir fait manquer la vache bringée.

Le pauvre Lucas voulut répliquer, mais sa mère lui fit signe de se taire pour ne pas augmenter l’irritation injuste du père Thomas. Lucas, un peu consolé par le signe amical de sa mère et par ceux des gens de la ferme, essuya ses yeux et mangea comme les autres. Quand le souper fut fini, le père Thomas sortit de table et alla chez Guillaume pour savoir s’il ne pouvait pas ravoir la vache bringée.