Page:Segur - Les Deux Nigauds.djvu/159

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muser ; j’ai une peur horrible de ma tante ! Mon Dieu ! mon Dieu ! que je suis malheureuse ! Et cette sotte Prudence qui va se plaindre à ma tante ! Je vais joliment la gronder ce soir. »

Pendant longtemps Simplicie continua à former des projets sinistres, à entretenir dans son cœur des sentiments de colère et de vengeance ; mais à force de pleurer, de s’ennuyer, elle eut enfin la pensée de s’adresser au bon Dieu pour qu’il lui vienne, en aide. Dieu exauça en amollissant son cœur et en lui ouvrant les yeux sur ses propres torts ; elle comprit qu’elle avait été dure et injuste pour la pauvre Prudence, qui avait montré au contraire une patience et une bonté touchantes ; qu’elle était injuste aussi pour le Polonais, qui était complaisant et serviable. Sa colère se calma ; elle conserva seulement de la rancune contre sa tante, qui la traitait avec une rudesse à laquelle ses parents ne l’avaient pas habituée, et elle se mit à écrire à sa mère pour lui demander… non pas encore de la faire revenir près d’elle, mais seulement de ne pas la laisser trop longtemps à Paris.

« Je commence déjà à m’y ennuyer quelquefois, écrivait-elle. Ma tante est sans cesse en colère ; je ne sais comment faire pour la mettre de bonne humeur ; elle veut que je rie toujours, et j’ai plus souvent envie de pleurer que de rire. Mais bientôt je m’amuserai beaucoup, parce que Mlles de Rou-