Page:Segur - Les Deux Nigauds.djvu/278

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retira avec violence, saisit le cigare de l’homme, l’arracha d’entre ses dents et le jeta dans le ruisseau en s’écriant :

« Gredin ! »

Le réverbère éclairait en ce moment le visage furibond et la personne étrange de Mme Bonbeck. L’homme se recula épouvanté en criant : « Le diable ! »

À ce cri, la foule ne tarda pas à s’amasser ; Boginski, embarrassé de l’attitude de sa compagne, la supplia de s’en aller.

« Non, mon ami. Je n’ai jamais fui le danger ! Qu’ils osent me toucher, et ils verront ce que peut faire une femme, une vieille femme, contre un tas de lâches et de gredins ! »

Mme Bonbeck s’était reculée d’un pas sur le trottoir et s’était mise en position de boxe ; la foule riait et grossissait ; l’homme s’était esquivé, sentant le ridicule d’une bataille avec une vieille femme.

« Personne ? dit-elle en respirant avec force. Personne n’ose m’attaquer ?… C’est bien, mes amis, vous êtes de braves gens. Laissez-moi passer… Merci, mes amis ; vous êtes de bons enfants. »

Et Mme Bonbeck s’éloigna avec Boginski, dont elle avait pris le bras, laissant la foule ébahie et grandement amusée des allures et du langage de la vieille.

« Rentrons à la maison, mon garçon, dit Mme Bon-