Page:Segur - Les Deux Nigauds.djvu/29

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et M. Gargilier entra avec un tailleur qui apportait à Innocent des habits neufs et un uniforme de pensionnaire. Il fallait les essayer ; ils allaient parfaitement… pour la campagne ; dans la prévision qu’il grandirait et grossirait, M. Gargilier avait commandé la tunique très-longue, très-large ; les manches couvraient le bout des doigts, les pans de la tunique couvraient les chevilles ; on passait le poing entre le gilet et la tunique boutonnés. Le pantalon battait les talons et flottait comme une jupe autour de chaque jambe ; Innocent se trouvait superbe, Simplicie était ravie, M. Gargilier était satisfait, le tailleur était fier d’avoir si bien réussi. Tous les habits étaient confectionnés avec la même prévoyance et permettaient à Innocent de grandir d’un demi-mètre et d’engraisser de cent livres.

Simplicie fut appelée à son tour pour essayer les robes que sa bonne lui avait faites avec d’anciennes robes de grande toilette de Mme Gargilier ; l’une était en soie brochée grenat et orange ; l’autre en popeline à carreaux verts, bleus, roses, violets et jaunes ; les couleurs de l’arc-en-ciel y étaient fidèlement rappelées ; deux autres, moins belles, devaient servir pour les matinées habillées ; l’une en satin marron et l’autre en velours de coton bleu ; le tout était un peu passé, un peu éraillé, mais elles avaient produit un grand effet dans leur temps, et Simplicie, accoutumée à les regarder avec admiration, se