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À LA VICOMTESSE ÉMILE DE PITRAY


Les Nouettes, 14 novembre 1859.


Chère Minette, ton père me supplie si humblement de ne pas lui imposer la contrariété de mon retour précipité, que j’ai fait changer mes places à la diligence pour lundi prochain. Je te demande de débarquer chez toi et de dîner chez toi, si l’arrivée tardive du convoi ne dérange pas tes heures de repas ; dans ce cas, tu dînerais sans m’attendre et tu me garderais de la soupe, un plat de viande quelconque et du fromage ou autre chose, genre dessert. Depuis que je suis seule, c’est mon ordinaire : le matin, un ou deux œufs, selon le bon vouloir des poules, des gaudes[1] et du thé ; le soir, soupe, viande et fromage. Je suis dehors deux ou trois heures par jour, j’écris, je range, je sors, je lis et je passe mes journées sans ennui comme sans plaisir, attendant patiemment celle où je te reverrai et t’embrasserai. Tu ne me dis pas si Émile et compagnie s’établiront aux Nouettes ; en tout cas, je leur laisse les deux chambres d’enfans prêtes à les recevoir, les lits faits, le linge dans l’armoire de la première chambre, les bougies dans les flambeaux, le bois dans les paniers; la première chambre fera salon et salle à manger; la seconde, chambre à coucher. Ce n’est pas élégant, mais tu sais qu’elles sont bonnes et pourvues de toutes les nécessités de la vie. Si tu

  1. Bouillie de farine de maïs que ma mère et nous aimions beaucoup.