Page:Segur - Lettres de la comtesse de Segur.djvu/221

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l’hiver à Livet et aux Nouettes ; mais tant que je pourrai, financièrement parlant, habiter Paris, il faut que j’y sois à Noël jusqu’après Pâques… Tu fais sagement et chrétiennement, chère petite, de vivre au jour le jour ; c’est le meilleur moyen pour supporter avec courage les peines et les ennuis de chaque jour ; embrasser plus loin par la pensée, c’est réunir sur chaque journée les souffrances et les calamités de toute la vie, que nous prévoyons souvent plus longue et plus terrible qu’elle ne le sera ; souvent aussi nous l’espérons plus belle et plus heureuse qu’elle ne doit l’être ; alors, ce sont des déceptions et des secousses. – Adieu, ma pauvre chère fille, je suis peinée et contrariée de devoir renoncer à ma quinzaine à Livet ; j’en ai plus que du regret ; il me semble que je commets une mauvaise action et que je cède lâchement à la peur de la fatigue et du froid… J’écrirai demain à mon pauvre Jeannot et puis à mon pauvre Jacquot ; tous deux seront peinés de mon changement de projet, mais pas autant que moi.



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À LA VICOMTESSE ÉMILE DE PITRAY


Kermadio, 21 novembre 1863.


Chère petite, je t’ai écrit que j’avais renoncé définitivement à ma visite à Livet à cause de la longueur du voyage ; dans la belle saison, les changemens de wagon, les longues stations pour attendre les trains soi-disant correspondans, ne sont qu’un ennui et