Page:Segur - Lettres de la comtesse de Segur.djvu/226

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était Désiré qui, après toi, a été pendant trois ans chez une vieille Mme des R…, morte il y a un mois, lui laissant mille francs de gratification et les meilleures recommandations, renforcées par celles de son fils qui lui a écrit des lettres éminemment remarquables[1], comme éloges et remerciemens. Dimanche, Désiré, dont j’étais médiocrement satisfaite sous le rapport de la propreté et du soin, me fait voir une lettre de sa mère qui lui dit que son père va en s’affaiblissant, qu’il le demande instamment, qu’il ne lui pardonnerait jamais de ne pas venir, que son oncle est mort d’une apoplexie foudroyante, que sa ferme reste sans culture, que sa tante se retire pour vivre de ses rentes, que son frère prend la ferme, qu’il lui faut un second et qu’il lui demande de s’y établir avec lui. Je soupçonne un tour, je l’engage à ne partir que dans quelques jours, quand il aura de son père des nouvelles plus exactes ; il fait l’inquiet, va voir Gaston, l’apitoie et, bref, demande à partir le soir même ; j’exige un remplaçant provisoire, car il refuse absolument, dit-il, de se remettre dans un travail de ferme et me promet son retour le plus prompt possible chez moi. Le provisoire doit venir le soir même à huit heures ; il ne vient pas. Désiré pense qu’il a compris huit heures du matin, lundi, et part à dix heures. Le lendemain, pas de domestique, et trois jours après une lettre de Désiré au cuisinier annonce qu’il ne reviendra pas du tout, qu’il reste pour faire marcher la ferme avec son frère, qu’un

  1. Cette expression, soulignée gaîment par ma mère, était familière à notre ami, M. Naudet.