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À LA VICOMTESSE ÉMILE DE PITRAY


Kermadio, 8 janvier 1871.


Chère enfant, voici une lettre d’Émile un peu en retard à cause d’une nouvelle apparition des Prussiens qui sont venus à Laigle, mais qui n’y sont restés que quelques heures sans avoir visité les environs ; il paraît qu’ils ont peur de la vallée de Laigle, des petits bois, des collines, des haies qui peuvent cacher des embuscades. Ils sont en somme très malmenés dans tout ce qui n’est pas grande ville ; ils perdent beaucoup de monde, ils sont sans cesse rappelés vers Paris, décimés par la maladie, découragés…; on les bat, on les shlague… ; les alliés de Guillaume payent cher le bonheur de marcher sous ses drapeaux, et le fruit qu’ils en retirent n’est pas encore visible à l’œil nu. Le pauvre Jacques a écrit à son père quatre lettres qu’il n’a pas reçues ; il est tout triste d’avoir vis-à-vis de lui l’apparence de l’oubli. Je t’envoie une lettre que j’ai reçue hier; il me donne des détails sur ses trois jour de vacances…

Nous allons bien ici ; le pays est fort tranquille ; on fait beaucoup de pèlerinages et de processions pour conjurer les dangers et obtenir la fin de cette terrible guerre, laquelle n’a qu’une fin possible, la destruction de l’armée ennemie et de ses chefs…


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