Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/104

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appui à ces passions même, ou à ces préjugés, une doctrine forte à quelques égards ; si, la vénérant avec prévention, avec enthousiasme, nous en attendons ce qui ne peut être réalisé sur le globe, un jour viendra où nous abjurerons la philosophie elle-même. Ce genre de fanatisme trompa des génies célèbres ; c’est une erreur qui paraît n’appartenir qu’aux âmes magnanimes, mais enfin c’est une erreur sur des objets importans, un écart dont les conséquences deviennent incalculables. Quand de tels prestiges abusent ceux qui cherchaient la vérité, comment éviter ensuite que des esprits très-ordinaires abandonnent toute instruction morale, et affectent de dédaigner toute vertu raisonnée, tout moyen de perfectionnement.

Parce que d’insensés discoureurs auront écrit sans retenue sur des objets sérieux, de nouveaux sophistes prétendront que le culte de la vérité conduit à la subversion des états, et que l’ordre politique a d’autres lois, d’autres maximes. En appréciant ainsi les principes les plus purs d’après quelques applications fausses ou perfides, on se décourage au point de dire que les hommes seront toujours ce qu’ils sont, et que la nature même le veut, puisqu’ils restent si imparfaits d’âge en âge. Serait-ce donc à jamais notre destination de suivre au hasard des lois