Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/106

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sion, ou l’extrême détresse, jouissaient beaucoup des dons naturels, parce qu’il en jouissaient naïvement : leurs sensations étaient d’autant plus vives, plus impérieuses ou plus douces, que nul regret, comme nul calcul, ne devait les suspendre.

Le plus grand effort du génie ne vaut pas peut-être, pour la joie de nos jours, la sensibilité grossière des esprits incultes, ou même le mobile presque aveugle accordé à tous les animaux. Cependant la vraie philosophie sera désormais ou notre seul, ou notre plus heureux et notre plus fort appui. Ne pensons pas toutefois que rien d’humain doive n’offrir absolument aucune discordance avec la nature entière. Si le sage parvenait à employer ses jours convenablement et avec calme, il serait supérieur aux plus puissans, aux plus illustres des mortels, sans devoir pour cela se complaire dans ces voies généreuses au point de les préférer a tous égards aux simples indications de l’instinct.

La partie de la sagesse qui semble n’avoir pour fondement que des suppositions pourrait être à la fois séduisante et illusoire ; mais il ne reste pas de doute quant à la loi qui nous fait consacrer sincèrement nos jours a espérer et a préparer, pour les autres ou pour nous, les biens les plus durables. Sans doute cette sagesse même aura peu de valeur