Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou nos maux, sont venus de nous, et aujourd’hui même, dans un sens, le bien reste en notre pouvoir. Que toutefois cette idée d’un bonheur universel ne fasse jamais oublier l’ancienne tendance qui contribue à perpétuer la confusion. Celui qu’entraînerait un mouvement louable, mais téméraire, se dirait : Dans mes écrits, je confondrai l’imposture, je combattrai d’aveugles coutumes, je proposerai de plus exactes conséquences des lois naturelles. Alors, il se croirait moins inutile à ses semblables ; il se flatterait de réunir et la paix d’une vie obscure, et quelque participation aux grandes réformes, qui peut-être s’opéreront dans la suite des temps. Mais, s’il est une espérance faite pour soutenir des hommes justes, il n’est point d’illusion qui puisse abuser des hommes sages.

Malgré la force des obstacles, conservons l’amour du bien ; on peut approcher d’un but auquel on ne saurait toucher : l’ame ne doit pas se refroidir quand l’esprit se détrompe. Regardons en simples spectateurs la multitude abaissée par ses passions, et traînée dans les ravins dont est coupée la route qu’on devrait suivre d’un pas plus ferme. Tout ce qui nous séduirait vieillit dans notre pensée ; notre fragilité amène rapidement au-dessus de nos têtes le nuage funèbre. C’est ainsi qu’après des heures labo-