Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/354

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nécessaire que nous trouvions de vraies jouissances ? Nos songes actuels ne sont rien s’ils doivent se perdre dans le néant, et ils sont peu de chose, si la vie sans terme doit les remplacer. Aspirons à ce qui est durable ou sublime, sans prétendre le connaître aujourd’hui. Entrevoyons un espace infini derrière une profondeur maintenant inaccessible.

Les mouvemens des cieux ne sont point suspendus. Cherchons dans les forces permanentes les desseins de la sagesse : cela seul est grand. Fidèle ou contraint, tout être borné restera sous la loi universelle. Une ame libre se soumet avec persévérance ; elle veut la vérité, le repos, la droiture, et, en s’occupant des hommes livrés aux difficultés présentes, elle invoque l’infaillible justice.

Dans la paix d’une vie indépendante, on soulage des infortunes amères, on soutient de timides vertus. Vaudrait-il mieux s’élever parmi les hommes ? De tant de choses qui divisent les esprits, une seule est heureuse et louable sur la terre : que la raison s’affermisse, et que la douleur soit diminuée. Obtenons ce qui peut-être ne périt point ; la pensée n’a pas de limites connues.

Si je contribuais à l’ordre, j’aurais assez de bonheur. Que manque-t-il à celui qui remplit sa desti-