Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/54

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Ceux d’entre les animaux à qui les besoins ordinaires commandent de grands efforts seront ceux qui, dans l’inaction, éprouveront un malaise plus sensible, lors même qu’on aura multiplié auprès d’eux les objets de tout besoin direct. Un long repos devient pénible pour des organes capables de mouvemens très-fréquens, surtout si l’habitude facilite quelques-uns de ces actes, et rend presque ineffaçable l’empreinte souvent frappée.

Dans l’homme livré à toutes les impulsions sociales, l’habitude immodérée d’être ému produit une agitation intérieure dont les suites seront ou l’épuisement si elle est constamment alimentée, ou l’ennui si elle vient à manquer d’objet. Cette conséquence fortuite de nos premières dispositions pourrait être bonne pour un temps, et selon les caractères, mais elle sera très-funeste lorsqu’elle deviendra générale et perpétuelle.

Du besoin d’agir dérivent l’enthousiasme, la joie, l’amour des arts futiles, celui des prestiges, et le penchant des différens peuples pour les liqueurs spitueuses, pour tout ce qui est propre à écarter des considérations timides ou prudentes. De cette même source paraissent découler plus secrètement les passions en quelque sorte négatives. C’est du besoin de n’être pas réprimés dans nos mouvemens, dans nos