Page:Senancour - Rêveries, 1833.djvu/67

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un principe général dans l’interprétation des lois de la nature.

L’habitude subjugue les esprits tranquilles. Si elle a moins d’empire sur les hommes inconsidérés, elle suffit à ceux qui, dans leurs penchans mêmes, ne s’écarteront pas de l’équité, à ceux chez qui nul goût ne pourra exclure celui de la modération, de la tempérance, de la délicatesse. Des esprits supérieurs conservent d’autant mieux ce genre de retenue dans les occasions vulgaires, que, se trouvant susceptibles d’impressions profondes, ils n’aiment pas à faire avec énergie ce dont tout le monde est capable. Sans être jamais subjugués par l’habitude, les ames fortes paraissent y céder lorsqu’il serait inutile de s’ouvrir des voies nouvelles.

Sans doute, si on prétendait subordonner à cette délicatesse les choses importantes, quelquefois on les dégraderait. Néanmoins il sera toujours utile de ne pas la négliger essentiellement. Elle tient au besoin continuel de rapprocher ou d’adoucir en quelque sorte des sensations extrêmes ; entretenue par l’opposition des intérêts, des désirs, des craintes, elle fait partie du mérite réel dans des pays civilisés depuis long-temps.

La vraie délicatesse peut être regardée comme un tact universel et rapide. Afin que tout devienne con-