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peu aisé, dont la manière bizarre et l’extérieur assez commun doivent donner à des domestiques l’idée d’une condition basse. On ne parle pas à ces gens-là ; on ne peut pas les mettre au fait par un mot, on ne s’explique pas avec eux, ils ne savent pas qui vous êtes ; ils ne vous voient d’autre connaissance qu’un homme qui est loin de leur imposer et dont ils se permettent de rire : aussi le personnage dont je parle fut très-contrarié. On l’en blâme d’autant plus que c’est à l’occasion d’un parent : voilà une réputation d’amour-propre établie ; et cependant je trouve qu’elle n’est pas méritée.

LETTRE XXVIII.

Paris, 27 février, III.

Vous ne pouviez me demander plus à propos d’où vient l’expression de pied-plat. Ce matin, je ne le savais pas plus que vous ; je crains bien de ne le pas savoir mieux ce soir, quoiqu’on m’ait dit ce que je vais vous rendre.

Puisque les Gaulois ont été soumis aux Romains, c’est qu’ils étaient faits pour servir ; puisque les Francs ont envahi les Gaules, c’est qu’ils étaient nés pour vaincre : conclusions frappantes. Or les Galles ou Welches avaient les pieds fort plats, et les Francs les avaient fort élevés. Les Francs méprisèrent tous ces pieds-plats, ces vaincus, ces serfs, ces cultivateurs ; et maintenant que les descendants des Francs sont très-exposés à obéir aux enfants des Gaulois, un pied-plat est encore un homme fait pour servir. Je ne me rappelle point où je lisais dernièrement qu’il n’y a pas en France une famille qui puisse prétendre, avec quelque fondement, descendre de cette horde du Nord qui prit un pays déjà pris, et que ses maîtres ne savaient