Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/109

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ces villes et tout leur ouvrage, ces arts de caprice, ces livres inutiles, ces ateliers, ces forges, ces chantiers. Cependant sais-je ce qu’il faudrait, ce que l’on peut faire ? Je ne voudrais rien.

Je regarde les choses positives : je rentre dans le doute ; je vois une obscurité profonde. J’abandonnerai l’idée même d’un monde meilleur ! Las et rebuté, je plains seulement une existence stérile et des besoins fortuits. Ne sachant où je suis, j’attends le jour qui doit tout terminer et ne rien éclaircir.

A la porte d’un spectacle, à l’entrée pour les premières loges, l’infortuné n’a pas trouvé un seul individu qui lui donnât : ils n’avaient rien ; et la sentinelle qui veillait pour les gens comme il faut le repoussa rudement. Il alla vers le bureau du parterre, où la sentinelle chargée d’un ministère moins auguste tâcha de ne pas l’apercevoir. Je l’avais suivi des yeux. Enfin un homme qui me parut un garçon de boutique, et qui tenait déjà la pièce qu’il fallait pour son billet, le refusa doucement, hésita, chercha dans sa poche et n’en tira rien ; il finit par lui donner la pièce d’argent, et s’en retourna. Le pauvre sentit le sacrifice ; il le regardait s’en aller, et fit quelques pas selon ses forces : il était entraîné à le suivre.

LETTRE XXX.

Paris, 7 mars, III.

Il faisait sombre et un peu froid ; j’étais abattu, je marchais parce que je ne pouvais rien faire. Je passai auprès de quelques fleurs posées sur un mur à hauteur d’appui. Une jonquille était fleurie. C’est la plus forte expression du désir : c’était le premier parfum de l’année. Je sentis tout le bonheur destiné à l’homme. Cette indicible harmonie des êtres, le fantôme du monde idéal fut tout en-