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la terreur d’un supplice éternel et le plaisir de manger deux bouchées de viande sans attendre le dimanche.

Que ne prend-on le parti de laisser à la libre fantaisie de chacun les choses dont on peut rire, et même les espérances que tous ne peuvent également recevoir ? La morale gagnerait beaucoup à abandonner la force d’un fanatisme éphémère, pour s’appuyer avec majesté sur l’inviolable évidence. Si vous voulez des principes qui parlent au cœur, rappelez ceux qui sont dans le cœur de tout homme bien organisé.

Dites : Sur une terre de plaisirs et de tristesse, la destination de l’homme est d’accroître le sentiment de la joie, de féconder l’énergie expansive, et de combattre, dans tout ce qui sent, le principe de l’avilissement et des douleurs...


TROISIÈME FRAGMENT.
DE L’EXPRESSION ROMANTIQUE, ET DU RANZ DES VACHES.

Le romanesque séduit les imaginations vives et fleuries ; le romantique suffit seul aux âmes profondes, à la véritable sensibilité. La nature est pleine d’effets romantiques dans les pays simples ; une longue culture les détruit dans les terres vieillies, surtout dans les plaines dont l’homme s’assujettit facilement toutes les parties[1].

Les effets romantiques sont les accents d’une langue que les hommes ne connaissent pas tous, et qui devient étrangère à plusieurs contrées. On cesse bientôt de les entendre quand on ne vit plus avec eux ; et cependant cette harmonie romantique est la seule qui conserve à nos cœurs les couleurs de la jeunesse et la fraîcheur de la vie.

  1. L’acception du mot romantique a changé depuis l’époque où ces lettres ont été écrites.