Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/186

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Beaucoup d’hommes extraordinaires ont cru aux présages, aux songes, aux moyens secrets des forces invisibles ; beaucoup d’hommes extraordinaires ont donc été superstitieux : je le veux bien, mais du moins ce ne fut pas à la manière des petits esprits. L’historien d’Alexandre dit qu’il était superstitieux, frère Labre l’était aussi ; mais Alexandre et frère Labre ne l’étaient pas de la même manière, il y avait bien quelques différences entre leurs pensers. Je crois que nous reparlerons de cela une autre fois.

Pour les efforts presque surnaturels que la religion fit faire, je n’y vois pas une grande preuve d’origine divine. Tous les genres de fanatisme ont produit des choses qui surprennent quand on est de sang-froid.

Quand vos dévots ont trente mille livres de rente, et qu’ils donnent beaucoup de sous aux pauvres, on vante leurs aumônes. Quand les bourreaux leur ouvrent le ciel, on crie que, sans la grâce d’en haut, ils n’auraient jamais eu la force d’accepter une félicité éternelle. En général, je n’aperçois point ce que leurs vertus peuvent avoir qui m’étonnât à leur place. Le prix est assez grand ; mais eux sont souvent bien petits. Pour aller droit, ils ont sans cesse besoin de voir l’enfer à gauche, le purgatoire à droite, le ciel en face. Je ne dis pas qu’il n’y ait point d’exceptions ; il me suffit qu’elles soient rares.

Si la religion a fait de grandes choses, c’est avec des moyens immenses. Celles que la bonté a faites tout naturellement sont moins éclatantes peut-être, moins opiniâtres et moins prônés, mais plus sûres comme plus utiles.