Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/199

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dantes, et qui n’ont pas séché une seule larme dans les hameaux et au quatrième étage ; laisser peut-être certains arts admirables et inutiles ; laisser des passions héroïques et funestes ; tâcher, s’il se peut, d’avoir des institutions qui arrêtent l’homme et qui cessent de l’abrutir, d’avoir moins de science et moins d’ignorance ; et convenir enfin que si l’homme n’est pas un ressort aveugle qu’il faille abandonner aux forces de la fatalité, que si ses mouvements ont quelque chose de spontané, la morale est la seule science de l’homme livré à la providence de l’homme.

Vous laissez aller sa veuve dans un couvent : vous faites très-bien, je crois. C’est là qu’elle eût dû vivre : elle était née pour le cloître, mais je soutiens qu’elle n’y eût pas trouvé plus de bonheur. Ce n’est donc pas pour elle que je dis que vous faites bien. Mais en la prenant chez vous, vous étaleriez une générosité inutile ; elle n’en serait pas plus heureuse. Votre bienfaisance prudente et éclairée se soucie peu des apparences, et ne considère dans le bien à faire que la somme plus ou moins grande du bien qui doit en résulter.

LETTRE XLVI.

Lyon, 2 août, VI.

Quand le jour commence, je suis abattu, je me sens triste et inquiet ; je ne puis m’attacher à rien ; je ne vois pas comment je remplirai tant d’heures. Quand il est dans sa force, il m’accable ; je me retire dans l’obscurité, je tâche de m’occuper, et je ferme tout pour ne pas savoir qu’il n’a point de nuages. Mais lorsque sa lumière s’adoucit, et que je sens autour de moi ce charme d’une soirée heureuse qui m’est devenu si étranger, je m’afflige, je m’abandonne ; dans ma vie commode, je suis fatigué de