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l’été plusieurs malades à qui l’exercice et un moyen de passer le temps seraient nécessaire, et il n’a pas un bateau, quoique le lac soit poissonneux.

LETTRE LVIII.

6, soir.

Il y a ici comme ailleurs, et peut-être un peu plus qu’ailleurs, des pères de famille intimement persuadés qu’une femme, pour avoir des mœurs, doit à peine savoir lire, attendu que celles qui s’avisent de savoir écrire écrivent tout de suite à des amants, et que celles qui écrivent très-mal n’ont jamais d’amants. Il y a plus : pour que leurs filles deviennent de bonnes ménagères, il convient qu’elles ne sachent que faire la soupe et compter le linge de cuisine.

Cependant un mari dont la femme n’a d’autre talent que de faire cuire le bouilli frais et le bouilli salé s’ennuie, se lasse d’être chez lui, et prend l’habitude de n’y être pas. Il s’en éloigne davantage lorsque sa femme, ainsi délaissée et abandonnée aux embarras de la maison, devient d’une humeur difficile : il finit par n’y être jamais dès qu’elle a trente ans, et par employer au dehors, parmi tant d’occasions de dépenses, l’argent qu’il faut pour échapper à son ennui, l’argent qui eût mis de l’aisance dans la maison. La gêne s’y introduit ; l’humeur y augmente ; les enfants, toujours seuls avec leur mère mécontente, n’attendent que l’âge d’échapper, comme leur père, aux dégoûts de cette vie domestique ; tandis que les fils et les parents eussent pu s’y attacher, si l’amabilité d’une femme y eût établi, dés sa jeunesse, des habitudes heureuses.

Ces pères de famille avouent ces petits inconvénients-là ; mais quelles sont les choses où l’on n’en trouve pas ?