Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/312

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le disque lumineux repose sur la montagne boisée et sauvage dont la pente reste encore dans l’ombre ; c’est l’œil étincelant d’un colosse ténébreux.

Mais c’est aux approches de l’équinoxe que les soirées seront admirables et vraiment dignes d’une tête plus jeune. La gorge d’Imenstrôm s’abaisse et s’ouvre vers le couchant d’hiver : la pente méridionale sera dans l’ombre ; celle que j’occupe et qui regarde le midi, toute éclairée de la splendeur du couchant, verra le soleil s’éteindre dans le lac immense embrasé de ses feux. Et ma vallée profonde sera comme un asile d’une douce température, entre la plaine ardente fatiguée de lumière, et la froide neige des cimes qui la ferment à l’orient.

J’ai soixante-dix arpents de prés plus ou moins bons ; vingt de bois assez beaux, et à peu près trente-cinq dont la surface est toute en rocs, en fondrières trop humides, ou toujours dans l’ombre, et en bois ou très-faibles, ou à peu près inaccessibles. Ceci ne donnera presque aucun produit ; c’est un espace stérile, dont on ne tire d’autre avantage que le plaisir de l’enfermer chez soi et de pouvoir, si l’on veut, le disposer pour l’agrément.

Ce qui me plaît dans cette propriété, outre la situation, c’est que toutes les parties en sont contiguës et peuvent être réunies par une clôture commune ; de plus, elle ne contient ni champs, ni vignes. La vigne y pourrait réussir d’après l’exposition ; il y en avait même autrefois : on a mis des châtaigniers à la place, et je les préfère de beaucoup.

Le froment y réussit mal ; le seigle y serait très-beau, dit-on, mais il ne me servirait que comme moyen d’échange : les fromages peuvent le faire plus commodément. Je veux simplifier tous les travaux et les soins de la maison, afin d’avoir de l’ordre et peu d’embarras.

Je ne veux point de vignes, parce qu’elles exigent un