Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/369

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Je n’aurai pas un ennemi personnel dans la littérature, comme je n’en aurai jamais dans ma vie privée : mais, quand il s’agit de dire aux hommes ce que je regarde comme vrai, je ne dois pas craindre de mécontenter une secte ou un parti. Je n’en veux à aucun, mais je n’ai de lois à recevoir d’aucun. J’attaquerai les choses et non les hommes ; si les hommes s’en fâchent, si je deviens un objet d’horreur pour la charité de quelques-uns, je n’en serai point surpris, mais je ne veux pas même le prévoir. Si l’on peut se dispenser de parler des religions dans bien des écrits, je n’ai pas cette liberté, que je regrette à plusieurs égards : tout homme impartial avouera que ce silence est impossible dans un ouvrage tel que doit être celui que je projette, le seul auquel je puisse mettre de l’importance.

En écrivant sur les affections de l’homme et sur le système général de l’éthique, je parlerai donc des religions ; et certes, en en parlant, je ne puis en dire d’autres choses que celles que j’en pense. C’est parce que je ne saurais éviter d’en parler alors que je ne m’attache point à écarter de nos lettres ce qui par hasard s’y présente sur ce sujet : autrement, malgré une certaine contrainte qui en résulterait, j’aimerais mieux taire ce que je sens devoir vous déplaire, ou plutôt vous affliger.

Je vous le demande à vous-même, si dans quelques chapitres il m’arrive d’examiner les religions comme des institutions accidentelles[1], et de parler de celle qu’on dit être venue de Jérusalem, comme on trouverait bon que j’en parlasse si j’étais né à Jérusalem ; je vous le demande, quel inconvénient véritable en résultera-t-il dans les lieux où s’agite l’esprit européen, où les idées sont nettes et les

  1. Il est certain que l’éloignement d’Obermann pour des doctrines qui toutes lui paraissent accidentelles ne s’étend pas jusqu’aux idées religieuses fondamentales.