Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/392

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brillant ou supportable, et l’intérieur est affreux. C’est à ces conditions que nous avons obtenu d’espérer. Si nous ne pensions pas que les autres sont mieux, et qu’ainsi nous pourrons être mieux nous-mêmes, qui de nous traînerait jusqu’au bout de ses jours imbéciles ?

Plein d’un projet beau, raisonné, mais un peu romanesque, Fonsalbe partit pour l’Amérique espagnole. Il fut retenu à la Martinique par un incident assez bizarre qui paraissait devoir être de peu de durée, et qui eut pourtant de longues suites. Forcé d’abandonner enfin ses desseins, il allait repasser la mer, et n’en attendait que l’occasion. Un parent éloigné chez qui il avait demeuré pendant tout son séjour aux Antilles tombe malade, et meurt au bout de peu de jours. Il lui fait entendre en mourant que sa consolation serait de lui laisser sa fille, dont il croyait faire le bonheur en la lui donnant. Fonsalbe, qui n’avait nullement pensé à elle, lui objecte qu’ayant vécu plus de six mois dans le même maison sans avoir formé avec elle aucune liaison particulière, il lui était sans doute et lui resterait indifférent. Le père insiste, il lui apprend que sa fille était portée à l’aimer, et qu’elle le lui avait dit en refusant de contracter un autre mariage. Fonsalbe n’objecte plus rien, il hésite ; il met à la place de ses projets renversés celui de remplir doucement et honnêtement le rôle d’une vie obscure, de rendre une femme heureuse, et d’avoir de bonne heure des enfants, afin de les former. Il songe que les défauts de celle qu’on lui propose sont ceux de l’éducation, et que ses qualités sont naturelles ; il se décide, il promet. Le père meurt ; quelques mois se passent ; son fils et sa fille se préparent à diviser le bien qu’il leur a laissé. On était en guerre ; des vaisseaux ennemis croisent devant l’île, on s’attend à un débarquement. Sous ce prétexte, le futur beau-frère de Fonsalbe dispose tout, comme pour se retirer subitement lorsqu’il le faudra, et se mettre