Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/44

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ou fausses ou vaines, et que je suis peu curieux d’en obtenir le mérite, au moins incertain. Je n’ai pas besoin d’efforts pour atteindre à ce qui est dans ma nature, et je n’en veux point faire pour parvenir à ce qui lui est contraire. Ma raison le repousse et me dit que, dans moi du moins, ces vertus fastueuses seraient des altérations et un commencement de déviation.

Le seul effort que l’amour du bien exige de moi, c’est une vigilance soutenue, qui ne permette jamais aux maximes de notre fausse morale de s’introduire dans une âme trop droite pour les parer de beaux dehors et trop simple pour les contenir. Telle est la vertu que je me dois à moi-même et le devoir que je m’impose. Je sens irrésistiblement que mes penchants sont naturels : il ne me reste qu’à m’observer bien moi-même pour écarter de cette direction générale toute impulsion particulière qui pourrait s’y mêler, pour me conserver toujours simple et toujours droit au milieu des perpétuelles altérations et des bouleversements que peuvent me préparer l’oppression d’un sort précaire et les subversions de tant de choses mobiles. Je dois rester, quoi qu’il arrive, toujours le même et toujours moi, non pas précisément tel que je suis dans des habitudes contraires à mes besoins, mais tel que je me sens, tel que je veux être, tel que je suis dans cette vie intérieure, seul asile de mes tristes affections.

Je m’interrogerai, je m’observerai, je sonderai ce cœur naturellement vrai et aimant, mais que tant de dégoûts peuvent avoir déjà rebuté. Je déterminerai ce que je suis, je veux dire ce que je dois être ; et cet état une fois bien connu, je m’efforcerai de le conserver toute ma vie, convaincu que rien de ce qui m’est naturel n’est dangereux ni condamnable, persuadé que l’on n’est jamais bien que quand on est selon sa nature, et décidé à ne jamais ré-