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çables, plus confiantes, plus douces, et formées par ces illusions entières dont aucun autre âge n’a possédé le bonheur.

Je ne me trompe point d’époque ; je sais avec certitude quel âge j’avais lorsque j’ai pensé à telles choses, lorsque j’ai lu tel livre. J’ai lu l’histoire du Japon de Kœmpfer, dans ma place ordinaire, auprès d’une certaine fenêtre, dans cette maison près du Rhône que mon père a quittée un peu avant sa mort. L’été suivant, j’ai lu Robinson Crusoé. C’est alors que je perdis cette exactitude que l’on avait remarquée en moi : il me devint impossible de faire, sans plume, des calculs moins compliqués que celui que j’avais fait à quatre ans et demi, sans rien écrire et sans savoir aucune règle d’arithmétique, si ce n’est l’addition ; calcul qui avait tant surpris toutes les personnes rassemblées chez madame Belp..... dans cette soirée dont vous savez l’histoire.

La faculté de percevoir les rapports indéterminés l’emporta alors sur celle de combiner des rapports mathématiques. Les relations morales devenaient sensibles : le sentiment du beau commençait à naître.....


2 septembre.

J’ai vu qu’insensiblement j’allais raisonner : je me suis arrêté. Lorsqu’il ne s’agit que du sentiment, on peut ne consulter que soi ; mais dans les choses qui doivent être discutées, il y a toujours beaucoup à gagner quand on peut savoir ce qu’en ont pensé d’autres hommes. J’ai précisément ici un volume qui contient les Pensées philosophiques de Diderot, son Traité du beau, etc. Je l’ai pris et je suis sorti.

Si je suis de l’avis de Diderot, peut-être il paraîtra que c’est parce qu’il parle le dernier, et je conviens que cela