Page:Servières - Tannhæuser à l’Opéra en 1861, 1895.djvu/129

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Jusqu’à ce que cet ouvrage eût été monté à Bayreuth, beaucoup d’Allemands ne le jugeaient pas digne de la même estime que les œuvres ultérieures de Wagner. L’exécution de Bayreuth a été pour eux une révélation, celle, comme l’a écrit M. Houston Stewart Chamberlain dans une réponse à M. Paul Fiat qui blâmait l’introduction de Tannhæuser au Wagner-Theater, « d’une œuvre qu’ils n’avaient jamais entendue ; oui, Monsieur, l’œuvre la plus inconnue de toutes celles que Wagner nous a laissées », celle d’un drame[1].

  1. Wagner écrivait déjà le 15 janvier 1849, au baron de Biedenfeld, dans une lettre publiée en 1883 par le Guide Musical : « J’ai élevé ainsi le musicien au rang de poète, mais je n’ai pas, pour cela, perdu de vue le but principal et essentiel du drame ; car pour l’amour de cet idéal artistique, le plus beau de tous, j’ai dû subordonner au drame mon art particulier, la musique. La véritable mission du compositeur me paraît être de ne vouloir que le drame, tout en se sentant pleinement conscient et intimement maître de toutes les richesses de l’expression musicale ; mais il s’agit, bien entendu, du drame qui, sans le sens musical du poète, ne pourrait se produire. Pour être parfaitement clair à ce sujet, je citerai l’une des scènes principales de mon Tannhæuser : le concours des chanteurs; dans cette scène, il fallait laisser dominer exclusivement l’intention poétique, afin d’amener la catastrophe : si j’avais fait lutter les chanteurs par toutes sortes de morceaux de chant à cadences et à agréments, cette scène fût devenue non un conflit