Page:Servières - Tannhæuser à l’Opéra en 1861, 1895.djvu/132

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gente, une mimique semblable à celle que Wagner expose dans ses Souvenirs sur le ténor Schnorr de Carosfeld rendent la pensée du poète présente à nos yeux. De même, quand, après le départ des pèlerins, le cœur gonflé de repentir, aspirant à la souffrance, Tannhaeuser se prosterne dans la contrition de son péché, il est impossible de n’être pas violemment ému.

Et comment ne pas l’être aussi, lorsque Elisabeth, blessée au cœur et dans ses sentiments d’amante, et dans sa foi chrétienne, par l’aveu du coupable, se précipite au devant des épées, et défend contre la fureur des hommes celui à qui sa pieuse intercession obtiendra le pardon du Ciel ! Comment ne pas l’être au troisième acte, lorsque la foi et le péché se disputent cette âme orgueilleuse, rebutée par l’anathème du pontife !


Où d’autres, écrit M. Alfred Ernst en un remarquable ouvrage de critique[1], se borneraient à

  1. L’Art de Richard Wagner, 1 vol. in-18, Paris, Plon, 1893. Dans le livre de M. Ernst, le lecteur trouvera une analyse pénétrante et fidèle de la psychologie des personnages de Tannhæuser, de Wolfram, de Vénus et surtout d’Elisabeth, cette pure figure de jeunesse tendre, innocente, joyeuse et prête au plus déchirant sacrifice, cette incarnation de l’idée de Rédemption qui apparaît déjà dans la Senta du Vaisseau-Fantôme, qui se développe dans l’Anneau du Nibelung, pour aboutir à sa floraison suprême dans Parsifal.