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CYRANETTE

« — Vous avez peur, chère âme, murmure-t-il.

« — Pas du tout.

« — Si fait, et il n’est pas bon que vos nerfs soient trop secoués.

« — Oh ! dis-je, je ne suis pas une femmelette. J’ai escaladé deux fois la dent du Nivolet et une fois l’accore du Granier.

« — Ce n’est pas la même chose.

« — Mais Yvonne, darling ?

« Alors, il m’a donné un baiser et je le lui ai rendu avec usure. Même que, venant à rentrer sur ces entrefaites, la lampe Pigeon à la main, Yvonne a dû s’apercevoir de quelque chose, car elle a eu un léger sourire qui signifiait : « Eh bien, ne vous gênez pas, mes petits ! Faites comme chez vous ! »

« Bref, nous sommes restés, malgré les objurgations de notre amie, dont c’était le tour de nous prêcher la prudence. Ce que voyant, Francine a fait comme nous et nous voilà tous les quatre, attendant les événements là-haut, autour d’une lampe Pigeon, derrière les volets hermétiquement, tirés d’une des fenêtres donnant sur l’avenue. L’attente ne dura guère. Tout à coup, boum ! crac ! pan ! et reboum ! boum !

« — Des bombes, Robert ! des bombes !

« — Pas encore, explique Yvonne qui s’y connaît. Mais « ils » arrivent et la défense déclenche son tir de barrage.

« — Si près de chez toi ?

« — Oh ! les forts de Malakoff, de Montrouge et de Bicêtre ne sont pas très loin, et nombre d’autos-canons tirent de Paris même.

« — Quand vous en aurez assez, chère âme, me dit Robert à l’oreille, prévenez-moi.

« — Merci, pas encore.

« Quelques minutes s’écoulent. Le canon fait rage et la maison en tremble, à croire qu’il tire sur nous. Mais malgré ma frousse — car, je peux bien te l’avouer, à toi, j’avais une frousse terrible — voilà-t-il pas qu’une folle envie me prend