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CYRANETTE

— Que vas-tu chercher là, ma pauvre Germaine ! Denise aimer ? Allons donc !

— Eh bien, explique-moi son cas, toi, gros malin !

— Il s’explique assez de lui-même. Tu te places dans l’absolu. Je m’en tiens, moi, au relatif. Autrement dit, elle n’est pas bien fixée, cette enfant. Aujourd’hui elle ne veut pas se marier. Demain, ce sera une autre chanson, j’espère. Souvent femme varie.

— Je n’ai jamais varié quant à moi, proteste assez vivement Mme Daliot. Et tu n’as pas été si fou de t’y fier.

— L’exception, ma femme, n’infirme jamais la règle, répond l’archiviste en l’embrassant. Ce que j’en disais ne s’applique pas à toi.

— Tu as de telles boutades aussi !

— Bon !

— Encore, si tu m’aidais à déchiffrer cette énigme ! se lamente Mme Daliot, qui y tient.

— Denise a été très souffrante l’été dernier. As-tu oublié la peur qu’elle nous a faite le jour où, en notre absence, elle a eu ce long évanouissement qui durait encore à notre retour ?

La lumière que Mme Daliot réclamait commence à se faire dans son esprit, quoique tout autrement que l’imagine l’archiviste. Et tandis que celui-ci lui rappelle l’espèce de langueur dont souffrait Nise, ses périodes de dépression et de surexcitation, son refus incompréhensible d’aller se soigner à la Bauche, les dernières écailles tombent des yeux de cette mère qui se remémore elle-même mille petits faits paradoxaux, dont l’explication lui avait toujours échappé, et qui, se souvenant notamment que sa fille lisait la lettre de Mme Bianca Bellovici quand cette effrayante syncope l’a terrassée, se dit, avec autant d’horreur que de consternation :

— C’était donc cela, mon Dieu ?

Elle ne fait part de rien à M. Daliot, qui n’y croirait pas. Y croit-elle bien elle-même ? C’est si