Page:Sevestre - Cyranette, 1920.djvu/17

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II

L’abbé, dont c’est le chemin, ne peut se dispenser de faire un bout de conduite à ses amis sur le quai Nézin. De vieux platanes y forment un long et bas portique de verdure soutenu par leurs troncs noueux et quasi humains qui donnent l’illusion de monstrueuses cariatides blanchâtres et chevelues.

Ce quai borde la Leysse, torrent tantôt fougueux, gonflé de toutes les eaux de la montagne ; tantôt réduit à un mince chapelet de flaques qui se dessèchent dans son lit de béton, voûté çà et là en tunnel sous les pelouses et les corbeilles de jolis squares. En ce moment, ce n’est qu’un filet d’eau et elle ne dispense pas plus de fraîcheur que le feuillage terreux et étiolé des arbres, sous l’arche desquels la poussière se rabat en trombes et en remous.

Incommodé par la chaleur que le coucher du soleil ne tempère même pas, M. le curé ne cesse de passer sur son front moite le large mouchoir à carreaux dont il s’éponge. Des groupes qui flânent le saluent respectueusement. Parfois d’autres promeneurs, qui se dirigent eux aussi à fout petits pas vers la gare, lui disent bonsoir. On cause un peu et tout cela retarde encore l’allure des Daliot, déjà trop lente au gré de Liette, qui s’impatiente.

Au coin de la rue Sommeiller, M. le curé prend congé.

— Bien du plaisir, mes enfants ! souhaite-t-il un brin ironiquement. Je regagne mes cimes. On ne respire plus dans vos bas-fonds.

Pendant qu’il tourne par le pont du Reclus, devant Notre-Dame, les Daliot continuent tout droit, sans se presser.