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CYRANETTE

guerre recommence peut-être. Peut-être les Boches nous tendaient-ils un piège pour mieux bombarder Sidmouth.

— Je ne sais pas, madame.

— Moi non plus, comme de juste, mais vous feriez bien d’aller voir. C’est très important, cette canonnade-là. Ça me rappelle les raids de gothas à Paris. Vous n’avez jamais été bombardés à Oak Grove, Mary ?

— Non, madame.

— Je ne vous souhaite pas de l’être… Allez voir et ne soyez pas trop longue, ma fille… Pat, ici ! Ne t’en va pas, toi. Toute seule, j’aurais trop peur. Et puis, s’il y a un débarquement avant le retour de Robert, tu me défendras, dis, mon petit chien ?

Mary revient bientôt. Elle revient avec Flora, avec Dora, avec tout le personnel féminin d’Oak Grove, que suit tout le personnel masculin. Et chez ces gens si flegmatiques, c’est une émotion, une effervescence extraordinaire.

— Oh ! madame… Oh ! madame…

— Quoi ? interroge ardemment la jeune Mrs Wellstone, gagnée par la contagion.

— L’armistice, madame ! L’armistice !

Liette, surexcitée, transfigurée, s’est levée d’un bond. Elle a tout oublié, sa faiblesse et sa langueur, la promesse qu’elle a faite à Robert d’être bien sage en son absence, jusqu’à sa dignité un peu factice de grande dame.

— Nous sommes vainqueurs ?

— Oui, madame, dit un palefrenier. Vive la France !

— Vive l’Angleterre ! s’écrie Liette, complètement emballée.

— Madame, reprend le palefrenier, avec une belle révérence, nous voudrions bien aller voir un peu au village. Monsieur n’est pas at home. Si madame avait la bonté de nous permettre…

— Mais oui, mes amis. Courez !… Courez-y tous ! J’y vais moi-même.