Page:Sevestre - Cyranette, 1920.djvu/86

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aussi mal éduqués, elle se chargera de les mettre au pas.

M. le curé, qui étudiait dans son cabinet, évite à dessein de descendre.

— Vous pouvez monter, ma petite demoiselle, redescend dire Agathe de son ton le plus aimable.

Magnanimement, la jeune fille remercie d’un petit mouvement de tête. Enfin, elle va donc savoir ? Cette pensée achève de la rasséréner et c’est gaîment, en lui secouant très fort la main, à l’anglaise, qu’elle s’écrie d’emblée :

— Ah ! monsieur le curé, quelles cachotteries vous me faites faire !

— Je me le reprocherais vivement, s’il n’y allait de ton bonheur comme de celui de Nise, mon enfant.

Liette ouvre ses grands yeux candides, qui reflètent une vague inquiétude.

— Comme vous dites cela, monsieur le curé ! Savez-vous que vous me faites peur ?

— J’ai tort en ce cas. Mais ce que j’ai à te dire est si délicat que je ne sais trop comment m’y prendre, ni par quel bout commencer.

Voyant que la chose est d’importance et très flattée que M. le curé en vienne à traiter avec elle de puissance à puissance, la jeune fille prend un air grave et se dégante avec componction.

— Puis-je vous venir en aide ? interroge-t-elle ingénument. De quoi s’agit-il ?

— De ton projet de mariage.

Un émoi s’empare de Liette, qui a saisi la nuance. M. le curé n’a pas dit : « de ton mariage ». Il a dit : « de ton projet de mariage ». Et ce n’est pas précisément la même chose.

— Mon mariage ?… Auriez-vous changé d’avis ? Le désapprouveriez-vous ?

Le silence du prêtre achève de la rendre nerveuse. Il est mal à l’aise aussi et ne tient pas en place. L’affaire, il en a convenu, est délicate et il a l’impression qu’elle n’est pas bien engagée. Faut-