Page:Sextus Empiricus - Les Hipotiposes pirroniennes.djvu/301

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Comme nous n’allons pas nous jeter dans un précipice, parce qu’il y a un chemin qui y conduit, & qu’au contraire nous nous, écartons de ce chemin à cauſe du précipice ; tout de meſme s’il y a quelque argument qui nous conduiſe à une choie évidemment abſurde, nous ne croirons pas cette abſurdité, à cauſe de l’argument, mais nous laiſſerons là l’argument, à cauſe de l’abſurdité.

Quand donc on nous propoſera ainſi un argument, nous ne dirons ni oui ni non à aucune propoſition ; mais quand on nous aura propoſé tout l’argument, nous objecterons ce que nous trouverons à propos. Car ſi les ſectateurs dogmatiques de Chryſippe diſent que quand on leur propoſe le Sorite, ils doivent s’arreſter, & ne dire ni oui ni non, pour s’empeſcher de donner dans quelque abſurdité ; à plus forte raiſon, nous qui faiſons profeſſion de la ſceptique, & qui craignons les abſurditez, devons-nous prendre garde de ne pas donner dans le piége en accordant des prémiſſes : à plus forte raiſon devons-nous nous abſtenir de dire oui ou non à chacune des prémiſſes, juſqu’à ce qu’on nous ait propoſé tout l’argument.

Voilà comme quoy, munis de ce que nous avons obſervé dans l’uſage ordinaire de la vie, ſans établir néanmoins aucun dogme,