Page:Shakespeare, apocryphes - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 2.djvu/127

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SCÈNE XV.

la maquerelle.

Et dis-moi, je te prie, comment as-tu trouvé les gens disposés, spécialement les jeunes ?

boult.

Ma foi, ils m’écoutaient comme ils auraient écouté le testament de leur père. Il y avait un Espagnol à qui l’eau est venue à la bouche, au point qu’à ma seule description il est allé se mettre au lit.

la maquerelle.

Nous l’aurons ici demain avec sa plus belle fraise.

boult.

Ce soir, ce soir. Mais, maîtresse, vous connaissez ce chevalier français qui se traîne sur ses jarrets ?

la maquerelle.

Qui ? Monsieur Véroles ?

boult.

Oui ; il a essayé, sur ma proclamation, d’exécuter une cabriole ; mais ça lui a fait pousser un cri de douleur, et il a juré qu’il la verrait demain.

la maquerelle.

Bien, bien. Quant à lui, il a apporté sa maladie ici ; il ne fait que l’y renouveler. Je suis certaine qu’il va venir à notre ombre faire reluire ses écus au soleil.

boult.

Dame, quand il y aurait ici des voyageurs de toutes les nations, nous serions sûrs de les loger tous à l’enseigne de cette fille-là.

LA MAQUERELLE, à Marina.

Approchez un peu ; je vous prie. Vous avez votre fortune faite. Écoutez-moi bien ; il faudra que vous ayez l’air de faire avec répulsion ce que vous exécuterez volontiers, et de mépriser le profit là où vous aurez le plus à gagner. Pleurez sur la vie que vous menez ; ça excitera la pitié de vos amants ; et il est rare que cette pitié ne leur donne pas